Qu’est-ce qui fait souffrance au travail ?
Distinguer le « PATHOLOGIQUE » du « NORMAL »
Une réflexion préalable :
Au croisement de la clinique et du social : La souffrance au travail est un phénomène complexe qui implique des responsabilités collectives et individuelles.
La souffrance au travail en tant qu’objet d’étude est difficile à appréhender.
La difficulté de travailler sur « l’objet » souffrance au travail, c’est que notre esprit cartésien a du mal à s’y retrouver :
Quelles sont la ou les causes ?
L’origine se situe t-elle plutôt du coté du contexte professionnel ou du coté du personnel ?
La souffrance au travail est-elle un phénomène pathologique ou bien une réaction « normale » ?
Qui est coupable ? qui est victime ?
L’étude de la souffrance met à l’épreuve nos théories personnels, nos croyances, nos représentations sur nous même et sur la société.
Selon que l’on soit de droite ou de gauche, notre vision et notre analyse sera partiale mais surtout partielle et donc erronée et stérile.
Les choses dans ce domaine sont entremêlées et interagissent, ce qui a tendance à nous mettre en difficulté pour appréhender les choses.
Les réactions immédiates que représentent les jugements moraux et les interprétations idéologiques font fonctions de défense pour mieux nous réassurer face à des phénomènes, qui par leur complexité, garde une part de mystère donc un potentiel anxiogène non négligeable pour l’observateur.
Il nous faut donc nous méfier de nos premières pensées et de nos premières conclusions.
A ce propos un nombre certains de décisions judiciaires parfaitement injustes sont commises régulièrement du fait de notre aveuglement naturel à percevoir les responsabilités en jeu dans le symptôme « souffrance au travail »
Il nous faut donc aller plus loin que les apparences, qui sont ici plus qu’ailleurs, trompeuses ; il nous faut investiguer et investiguer par l’écoute : « De quoi se plaint la personne ? »
Sortir du processus de recherche des culpabilités pour cerner les responsabilités et comprendre.
Poser la question du pathologique et du normale c’est aussi essayer d’appréhender le problème dans sa complexité, c'est-à-dire :
- Ne pas en faire un processus totalement normal qui aurait pour effet de banaliser et donc de minimiser l’importance de la souffrance au travail pour l’individu
- Ne pas en faire non plus un phénomène purement pathologique qui ne pourrait qu’accoucher d’une tentative de nosographie bien rassurante pour la société : il y a les gens malades et les autres, les gens sains.
En conclusion poser le principe de la coexistence, voire de l’imbrication, d’une part « pathologique » et d’une part « normale » dans ce phénomène parait assez juste dans le sens où il nous préserve un peu de notre tropisme naturel pour le manichéisme et la culpabilisation.
Cet obstacle levé, il nous faut cheminer dans notre analyse qui cherche à discriminer le pathologique du normal.
Pour cela il nous faut identifier les paramètres en jeu ; en premier lieu celui qui souffre, celui qui est porteur d’un symptôme ;
Puis celui qui fait souffrir ou que l’on accuse de faire souffrir. (Noter que cette première étape n’est pas toujours évidente car parfois la souffrance est partagée, chacun accusant l’autre, d’être son « bourreau ».)
En rester à ce stade de l’analyse, c’est à nouveau prendre le risque de retomber dans le piège d’une démarche stigmatisante et culpabilisante qui s’avère souvent stérile, parfois injuste.
En matière de souffrance au travail : Sortir du manichéisme en analysant la relation plutôt que les hommes
Prendre en compte, en tant que paramètre principal la relation qui lie celui qui souffre avec celui qui fait souffrir permettrait de sortir de l’approche manichéenne pour nous plonger directement au cœur du mécanisme psychique à l’origine de la souffrance mentale.
En effet c’est là, dans la nature du lien, du discours, du type de relation que se cache le ferment délétère qui va faire souffrance (voir en pièce jointe mon intervention lors de notre 1ère conférence). Cette approche a pour avantage d’éviter l’écueil de la recherche de culpabilité qui nous aveugle ; elle n’en pose pas moins la question de la responsabilité ; et celle-ci, si elle est toujours plus ou moins partagée, n’élude pas pour autant la question de la responsabilité principale.
Pour en revenir au cœur de notre réflexion….
Qu’est-ce qui est normal et qu’est ce qui est pathologique ?
La souffrance au travail serait-elle un symptôme d’une société qui deviendrait de plus en plus perverse ?
On peut se poser la question car dans les situations de souffrance au travail on assiste souvent à une inversion des valeurs à l’instar du mouvement que l’on peut observer dans le phénomène pervers.
Par exemple un individu ou un groupe va souffrir et se sentir persécuter par son chef alors que celui-ci ne fait que son travail dans la fonction qui est la sienne en faisant respecter les règles en vigueur à son équipe.
Inversement, un groupe, une institution toute entière, une entreprise ne va pas respecter les principes et les règles de base qui permettent aux organisations de fonctionner, et c’est un ou plusieurs individus qui vont naturellement en souffrir ; de l’extérieur la normalité semble être du coté de l’institution et la pathologie du coté des personnes souffrantes, et pourtant….
La propagation et l’ampleur du phénomène souffrance au travail plaide donc pour l’idée d’une société malade par un défaut de fonctionnement et de régulation collective.
A ce propos, on notera que le point commun aux deux situations explicitées plus haut mettent toutes les deux en exergue un problème en rapport avec la loi (à entendre ici au sens large) :
- un défaut de fonctionnement de la loi dans le cadre de l’institution
- un manque d’intégration et d’acceptation de celle-ci loi pour les individus qui vivent l’autorité comme une persécution.
Frédéric BONLARRON
Psychanalyste
Spécialiste des phénomènes de souffrance au travail
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